Martelly recibe al presidente francés para acordar proyectos de cooperación binacional
Haïti-France : Hollande à Port-au-Prince, entre « dette morale » et dette tout court
Le président français, François Hollande, est attendu le 12 mai, pour une visite officielle de quelques heures à Port-au-Prince, où il est précédé de ses déclarations du 10 mai en Guadeloupe concernant la brulante question de la dette de la France vis-à-vis d’Haïti, qui suscite des réactions diverses.
Haïti est la dernière étape d’une tournée caribéenne, du chef d’État français, qui aura notamment à se recueillir au pied de la statue de Toussaint Louverture, précurseur de l’indépendance d’Haïti de la France colonisatrice.
Signature d’accords de coopération et visite de chantiers où l’aide française est en œuvre constituent d’autres points forts de cette visite qui ne laisse nullement indifférents les Haïtiens de toutes les catégories sociales.
Plus que tout autre thème, c’est la question de la rançon de 150 millions de franc or payés par Haïti à la France pour la reconnaissance de son indépendance qui retient l’attention, observe AlterPresse.
Dette morale ou dette tout court
Le professeur Pierre Buteau, ancien ministre de l’éducation nationale et membre de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, penche en faveur de la reconnaissance publique des crimes du passé.
« Parce que l’esclavage, le colonialisme, le racisme et tout ce que cela a entrainé, ce sont des moments d’histoire tragique, Il n’y a pas de réparation pour cette histoire », soutient-il dans une interview à AlterPresse. Il prône la reformulation des relations entre les deux pays sur de nouvelles bases.
Le professeur Buteau met en avant la dignité et estime que la dette ne devrait pas être abordée en terme « d’acquittement matériel », mais plutôt comme la « reconnaissance publique d’une faute inadmissible ».
Ce n’est pas l’avis du vice-recteur aux affaires académiques de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), Fritz Deshommes, qui pense que « la dette en question n’est pas une dette morale. Mais, c’est une dette qui a été payé à la sueur et le sang du peuple haïtien à travers l’exportation de café ».
« On a pris plus d’un siècle pour payer cette dette », précise-t-il à AlterPresse.
Pour lui, le geste le plus moral du président français serait de s’engager à restituer l’argent payé par Haïti pour la reconnaissance de son indépendance, en attendant les réparations coloniales qui sont exigées dans le cadre de la Communauté de la Caraïbe (CARICOM).
Scepticisme et espoir
Des milieux associatifs, contactés par AlterPresse, affichent un certain scepticisme par rapport au déplacement du président français en Haïti et disent ne nourrir aucun espoir, d’autres sont plus nuancés, tandis que certains secteurs économiques misent beaucoup dur cette visite.
Le dirigeant paysan Osnel Jean Baptiste estime que « Hollande n’apportera rien de bon » en ce qui a trait aux intérêts de la paysannerie.
Le syndicaliste enseignant Josué Mérilien s’interroge sur les formes que pourrait prendre à l’avenir la coopération entre la France et Haïti. L’aide française pourrait servir à construire beaucoup plus d’écoles, former beaucoup plus d’enseignants et faciliter des bourses d’études pour les jeunes, pense-t-il.
La dirigeante féministe Marie Frantz Joachim plaide en faveur de la reconnaissance spécifique des torts faits aux femmes durant la période coloniale.
Elle souhaite, par ailleurs, que dans les accords à signer ce 12 mai à Port-au-Prince, la formation professionnelle des femmes soit prise en compte.
Pierre-Émile Rouzier, ancien président de la Chambre franco-haïtienne de commerce, interprète la venue de Hollande en Haïti comme un « excellent signal ». Dans une interview à la station privée Radio Kiskeya, il estime que le pays caribéen devrait profiter du savoir-faire des Français en matière de tourisme.
Des intellectuels, dont des écrivains comme Louis-Philippe Dalembert et Yannick Lahens, croient que le président Hollande peut faire de son discours de Port-au-Prince un point de départ pour un renforcement de la coopération dans des domaines plus que stratégiques pour Haïti comme pour la France.
C’est la deuxième fois qu’Haïti accueille va accueillir un chef d’Etat français, depuis l’indépendance du pays le 1er janvier 1804. L’ancien président Nicolas Sarkozy avait fait le premier pas au lendemain du terrible séisme du 12 janvier 2010 qui avait ravagé le pays. [jep gp apr 12/05/2015 00 :30]