Haití: defensores del dictador Duvalier buscan trabar proceso judicial
Haïti-Justice : Quand l’ancien dictateur Duvalier jouit des bienfaits de la démocratie
La cour de cassation sera amenée à se prononcer dans le dossier judiciaire impliquant l’ex-dictateur Jean Claude Duvalier et les victimes de son régime suite à une récusation de la cour d’appel par les avocats du tyran, tandis que les organisations de droits humains et les plaignants continuent d’exprimer leur confiance dans la justice.
Lors d’une conférence de presse le 11 mars 2014, les avocats de Duvalier ont informé qu’ils ont soumis une « requête en renvoi pour cause de suspicion légitime » à la cour de cassation contre la composition de la cour d’appel de Port-au-Prince qui a pris un arrêt ordonnance demandant de poursuivre le tyran pour crimes contre l’humanité.
Alix Aurelien Jeanty, Reynold Georges, Fritzo Canton et l’ex-dictateur Duvalier, inculpé de crimes contre l’humanité, demandent le renvoi par devant une cour d’appel composée d’autres juges.
« C’est leur droit. Cela montre que Duvalier jouit de la démocratie qu’il a bâillonnée sous son régime. Aujourd’hui, il peut être défendu par des avocats, avoir droit à un procès. Ses victimes n’avaient pas droit à tout cela », estime Antonal Mortimé de la Plateforme des organisations haïtiennes de droits humains (Pohdh) ce 13 mars 2014 dans une entrevue à des médias dont AlterPresse.
Un des plaignants, l’entrepreneur Robert Duval, déclare qu’il « s’attendait à cela. Et que les défenseurs de la dictature essaient de tout faire pour que le criminel Duvalier ne soit pas jugé pour ses crimes et ses horreurs ».
« Au courant de cette semaine, nous allons signifier un pourvoi en cassation contre l’arrêt ordonnance de la Cour d’Appel », annonce, d’autre part, Reynold Georges.
Le 20 février 2014 les juges Jean Joseph Lebrun, président de la troisième section à la cour d’appel de Port-au-Prince, Durin Duret et Marie Jocelyne Casimir, juges en audience ordinaire, en présence de Florence Mathieu, représentante du ministère public, ont cassé l’ordonnance du juge Carvès Jean, qui avait rejeté les poursuites contre l’ancien dictateur pour crimes contre l’humanité.
Et la cour a ordonné conformément aux dispositions de l’article 19 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal, un supplément d’instruction, et désigne pour ce faire le juge Durin Duret Junior de la cour d’appel de Port-au-Prince.
Duvalier doute de l’impartialité de la Cour d’appel
Les avocats du dictateur estiment que le supplément d’information désiré et ordonné par les juges ainsi que le choix du magistrat Durin Duret Junior est une « manœuvre pour masquer la décision qu’ils auront à prendre contre Jean-Claude Duvalier ».
Les qualificatifs négatifs ne manquent pas aux avocats de l’ancien dictateur pour parler de la décision de la cour d’appel tels : « arrêt qui n’a rien à voir avec le droit, arrêt insolite, invention de la cour d’appel, monstruosité juridique » fusent du coté des défenseurs de Duvalier.
Dans le document de requête distribué aux journalistes et signé de l’ancien président «à vie» et de Reynold Georges, Duvalier devient spontanément démocrate, respectueux de la constitution et fait une leçon de droit aux juges de la Cour d’Appel.
« (…) la Cour d’appel a systématiquement violé la constitution, (…) s’est laissé aller à des considérations politico-juridiques, (…) l’attitude complaisante manifestée par les honorables juges de la cour d’appel à l’égard de la partie dite civile, (…) déraisonnement inimaginable [de la cour d’appel], (…) raisonnements dénués de sens et de logique juridique par conséquent grotesques [des juges] (…) acte abusif de leur autorité, manque d’objectivité » sont parmi les expressions utilisées dans la requête.
Duvalier et ses avocats reprochent à la cour d’appel de Port-au-Prince de faire l’instruction à des audiences publiques.
« (…) La Cour d’Appel de Port-au-Prince en violation de l’article 18 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’appel pénal décide de faire l’instruction de l’affaire à des audiences publiques dans le seul but d’humilier le requérant, d’insulter ses avocats », lit-on dans la requête.
Quand à la décision de la Cour d’Appel de dire et de déclarer que « les actes reprochés au nommé Jean-Claude Duvalier constituent des crimes contre l’humanité », les avocats de l’ancien dictateur estiment que la cour aurait accumulé dans « son œuvre » les pouvoirs du législatif, de l’exécutif et des juges.
Selon les défenseurs de Duvalier, la cour d’appel a introduit dans le droit positif haïtien des concepts non écrits, non opposables aux citoyens haïtiens.
L’avocat Canton n’a pas manqué d’indexer « des organisations internationales et des extrémistes de gauche » qu’il accuse de financer le « procès d’un régime et non d’un homme ».
Des avocats dont Gérard Gourgue et Osner Févry ont été remarqués dans la salle de conférence aux côtés de partisans duvaliéristes assez âgés. Certains étaient fiers de se présenter comme des anciens membres de l’implacable milice du régime, les «tontons macoutes».
Mais, s’inspirant du long chemin que ses compatriotes victimes ont déjà parcouru pour aboutir au moins à l’instruction de l’affaire Duvalier, Duval affirme qu’ils sont « inébranlables dans leur quête de justice » et lutteront jusqu’au dernier soupir.
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